Dans un jugement du 28 mars 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a eu à statuer sur la légalité d’un arrêté de refus de permis de construire pour la construction d’une lagune dédiée au stockage de digestats issus de la méthanisation.

Le préfet s’est opposé à cette demande au visa de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme selon lequel : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».

Plus précisément, l’autorité compétente a estimé que le projet relevait de la réglementation des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) et qu’en conséquence, il apparaissait nécessaire de prendre des précautions particulières lors de l’exécution des travaux.

Il était surtout reproché au pétitionnaire de ne pas avoir effectué de démarches au titre du Code de l’environnement, son projet étant soumis à enregistrement.

Cette affaire est l’occasion de rappeler un principe désormais bien ancré : il n’appartient pas à l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme portant sur une installation classée d’assortir sa décision de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu’elle est susceptible d’occasionner.

Le juge administratif précisant toutefois qu’il incombe à cette autorité, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées pour la protection de l’environnement ou susceptibles de l’être.

Cette dernière mention donnait-elle la possibilité au préfet de refuser une autorisation d’urbanisme pour des motifs tirés de l’absence de formalité au titre des installations classées pour la protection de l’environnement par le pétitionnaire ?

Autrement dit, l’autorité compétente au titre de la police de l’urbanisme devait-elle, dans ce cas précis, se substituer à l’autorité compétente au titre de la police des ICPE, faute pour cette dernière d’avoir été saisie du dossier ?

En écho au principe d’indépendance des législations, le tribunal a suivi notre argumentation en estimant que la construction ne présentait pas de risques tels qu’il ne serait pas légalement possible d’accorder le permis, le cas échéant, en l’assortissant de prescriptions spéciales, distinctes de celles édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l’être.

Au demeurant, la seule circonstance qu’un projet soit soumis au régime des installations classées pour la protection de l’environnement ne suffit pas à démontrer l’existence d’un risque.

Un autre enseignement est à tirer de ce dossier. Plutôt que d’aller sur un terrain qui n’est pas le sien, l’autorité compétente au titre de la police de l’urbanisme prendra garde d’adresser au pétitionnaire, dans le délai d’un mois à compter de la réception de son dossier, une demande de pièces manquantes au visa de l’article R. 431-16 a) du Code de l’urbanisme [pour un dossier soumis à la procédure de l’enregistrement].

Francine THOMAS, avocate à Chalons en Champagne
Francine THOMAS
Avocat associé
Photo Anne-laure
Anne-Laure LUTRINGER
Avocat

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